5. LA CORDE DANS LE COU

 Pour faire tenir un personnage debout on m'avait parlé à mes débuts de la technique du pendu:



une potence avec une corde permettant de travailler la pièce autour sans avoir le problème du poids de la terre qui plie sur elle même tant qu'elle est  meuble.  


Lorsqu'elle est suffisamment rigide on enlève la corde et on bouche le trou.

 
J'ai trouvé ça stupide et parfaitement incommode: le corps gigote autour de la corde qui se balance et on a aucune prise sur lui.
 
 




J'ai quand même persisté avec un certain énervement jusqu'à ce que la potence se brise et que ma bonne femme dégringole et se retrouve à terre les jambes pliées dans une posture de supplication semblant dire :

" non la corde par pitié non! " 


Alors je l'ai graciée et lui ai ôté la corde de la gorge, mais je l'ai laissée agenouillée dans cette position qu'elle avait prise d'elle même. 
Puis j'ai exploité les traces du passage de la corde dans sa poitrine et sur son visage un peu comme on entrouvre un corsage. C'est elle qui l'a cherché!
 
 
Par la suite j'ai inventé une autre technique: celle de l'empalement. Une bonne barre en fer plantée de part en part c'est beaucoup plus stable que la corde.


Une fois cette colonne vertébrale enlevée la fissure tend à apparaître par endroits, alors j'ai pris le parti de laisser ces failles ouvertes sans faire de suture: 

je donne simplement un mouvement à ces lambeaux de peau, un peu comme quand on porte dépoitraillé, un habit déstructuré, dans un style faussement négligé.

 


 

Ceux qui verraient derrière mes corps écorchés la présence de mon esprit tourmenté se trompent : 


ce n'est qu'une habitude gestuelle pour déjouer les contraintes de la terre qui ont suscité ce style, un pur hasard!

 

Après on peut toujours s'interroger sur ce qui révèle l'état d'esprit de l'artiste: est ce que ce sont les gestes qui servent l'intention ou bien  l'intention qui  dicte les gestes ?


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